Mina Bruchon : découvrez son petit monde
- 31/07/2020
- Le petit monde de
Du crayon au dermographe
Certains la connaissent par le biais du tatouage sous le patronyme de 0.5Na. D’autres par ses dessins raffinés et précis, mais c’est bien Mina Bruchon qui nous gratifie de ses points méticuleux sur le papier ou la peau. Il y a quelques temps, j’ai eu la chance de pouvoir découvrir son univers, elle m’a ainsi dévoilé ses influences et même ouvert ses carnets à dessin!
Bienvenue dans le petit monde de Mina. Et aux amoureux des cabinets de curiosité, de l’encre et des trésors cachés ouvrez grands vos yeux!
Aujourd’hui tu officies au sein du salon de tatouage de Gaël Ricci à Sainte-Maxime (et on parlera du tatouage un peu plus en détails) mais pour commencer pourrais-tu nous parler de ton parcours artistique, de tes études ?
Bonjour Morgane, merci et bienvenue à toi! Et bien pour commencer, j’ai toujours dessiné, donc il a toujours été logique pour moi de me diriger vers des études artistiques pour mon parcours « post bac ». J’ai fais un bac général, au centre des ressources d’apprentissage, mais je n’étais pas du tout attiré par les filières littéraires et j’adorais aussi les sciences, donc c’est naturellement que je me suis tournée vers le bac S au lycée. Ça peut sembler paradoxal mais finalement, ce parallèle entre art et sciences est quelque chose qui est resté et qui a vraiment nourri mon travail personnel depuis.
Quand Mina ouvre ses carnets à dessin…
Une fois le bac en poche, j’ai atterri à la fac d’arts plastiques de Saint Etienne pour une licence. J’étais intéressée par un BTS arts appliqués, ou une formation d’illustration scientifique, donc je suis arrivée à Saint Etienne plutôt par défaut finalement. Je ne m’étais pas forcément destinée à la faculté mais c’est un parcours qui m’a énormément appris, qui m’a permis de comprendre mon travail et de le développer.
La fac est devenue vraiment intéressante à partir du master, à partir de la 4eme année; c’est là qu’en vu de rédiger mon mémoire de fin de cursus, j’ai commencé à interroger la présence des sciences dans mon travail. Dans le même temps je m’intéressais aussi à l’anthropologie et aux croyances de différentes cultures. C’est en réunissant ces trois disciplines dessin – sciences – croyances que j’ai réalisé « Anatomies Mythologiques », et que j’ai rédigé mon mémoire sur le détournement de l’image et du discours scientifique dans les arts plastiques.
Après le Master, je me suis lancée dans une année de préparation au concours de l’Agrégation d’arts plastiques. Cette année a continué d’enrichir mes connaissances, j’ai été admissible au concours, mais pas admise aux oraux. J’en suis sortie avec un certain soulagement, en fait, car plus l’année avançait, plus je sentais l’enseignement comme complètement éloigné de ce que j’avais envie de faire de ma vie, ou en tout cas des années qui suivraient.
Puis tout s’est enchaîné assez vite, Gael Ricci offrait une place dans son salon, et connaissant son travail depuis quelques temps, j’ai vu cette occasion comme une opportunité à ne pas manquer, étant donné que le tatouage était quelque chose qui m’attirait aussi énormément. Et me voilà!
Anatomies Mythologiques: le détournement de l’image et du discours scientifique dans les arts plastiques. Dessins réalisés au stylo bille.
D’où te vient ton amour pour la faune et la flore, son observation minutieuse, les mondes microscopiques?
Je pense que ça a toujours été là quelque part. J’ai grandi dans la campagne Iséroise, où mes parents gèrent un domaine de pêche à la mouche, au milieu duquel se trouve la maison familiale. Du coup, j’ai passé mon enfance et mon adolescence entre les arbres, les étangs, les rivières, la faune et la flore du coin, en étant aussi élevée dans le respect de cet ensemble.
Quant j’ai quitté le cocon familial pour emménager à Saint Etienne, je me suis vraiment rendu compte de la chance que c’est de vivre en pleine nature. Je pense que ça a beaucoup joué! La nature me manquait, et me manque toujours, donc chaque balade est savourée dans ces plus petits détails. Ça fait aussi quelques années que je prend en photos des insectes et des végétaux, dont je me sers ensuite pour mes dessins. De fil en aiguille, prendre le temps d’observer et de photographier ces petits mondes est donc devenu un réflexe.
Observations photographiques en noir & blanc: papillon et coléoptère*.
Aujourd’hui le dessin prend une part importante dans ta vie puisque tu es artiste tatoueuse et que, de la maquette sur papier à la réalisation sur la peau tout est une question de tracé et d’ombrage. Comment passe-t-on du stylo au dermographe ?
Oui, on peut dire que le dessin occupe bien mes semaines! Le passage du stylo au dermographe est un peu effrayant au début, puisque le support est complètement différent. Le côté le plus compliqué de ce passage c’est l’appréhension de l’outil principalement; que ce soit pour l’appui, la position de la main, l’inclinaison, le poids de la machine…
Ensuite il faut aussi appréhender le corps, qui est une surface molle, qui n’est pas plat, qui bouge! Une fois que cette acclimatation est faite par contre, on retrouve assez rapidement ses repères. Le point, ou dotwork, est une technique qui finalement se rapproche assez du dessin pour les remplissage; là où sur la feuille les volumes se créent par la superpositions de hachures au stylo, sur la peau ils se forment par des superpositions de couches de points. Et le rendu en est assez proche, c’est ce qui m’a particulièrement attiré dans cette technique de tatouage.
Tatouage réalisé par Gaël Ricci dans le cadre de la série Micro**.
Pourrais-tu nous parler de la série Micro que vous avez développé au salon ?
La collection Micro amorcée par Gael début 2017 est née surtout d’une demande, de la part de français mais notamment d’étrangers qui semblaient vouloir toujours des tatouages plus fins, plus petits, plus détaillés, sûrement influencés par le travail de Dr. Woo et plus largement du salon BangBang tattoo (NYC) et d’autres artistes internationaux. Etant donné que Gaël n’avait pas pour habitude de tatouer ce genre de projet, il a décidé de mener l’expérience pendant une année sur des volontaires, en explorant plusieurs styles appliqués à ces dimensions (du réalisme à la gravure en passant par des choses plus graphiques).
J’étais à ce moment là encore en apprentissage, du coup j’ai vu cette collection prendre forme et se développer. J’ai aussi filmé quelques sessions, et il m’a aussi piqué deux micros; une reproduction de Schiele et une autre de Bacon. Depuis que cette période d’expérimentation est terminée, la demande est toujours présente; les tatouages ne font pas forcément la taille d’une pièce de 2 euros mais on peut retrouver dans certaines compositions des éléments traités de la même façon.
Tatouages réalisés par Mina au salon Gaël Ricci Tattoo à Sainte Maxime*.
Un sacré challenge que ces tatouages microscopiques ! Est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur les rapprochements et les différences entre la technique micro dessiné et encré ?
Un sacré challenge oui! Niveau technique tout d’abord; les aiguilles utilisées n’étaient pas trouvables en France alors (aujourd’hui c’est le cas). Mais la part la plus méconnue était celle de la cicatrisation, de la pérennité de ces projets. Gael a donc adapté la méthodologie de cicatrisation pour obtenir un résultat au top, et ça a bien fonctionné, et ce sans retouche pour la plupart des projets. Et ces derniers n’ont pas bougé depuis, contrairement à de nombreuses réflexions que Gael a pu recevoir à la publication de cette collection.
Traiter du micro en dessin et en tatouage est donc assez similaire dans la réalisation en elle même, la seule – grosse – différence étant là encore le corps; il n’est pas possible de faire du micro sur toutes les parties du corps car certaines sont plus difficiles que d’autres à piquer et surtout, la question de la cicatrisation / pérennité du projet ne se pose pas sur du papier :).
Et si on veut plonger dans tes références artistiques, tu nous conseilles quoi ? Tu as des préférences, des coups de cœur ?
J’aime énormément beaucoup trop d’artistes classiques et modernes pour en choisir une poignée, du coup je vais me concentrer sur les contemporains, et mes découvertes récentes;
Maud Boulet et Melanie Delatre Vogt, pour leur approche de l’organique.
Lauren Collin pour son travail du papier.
Maggie Casey pour ses sculptures / installations.
Anne Ten Donkelaar – dernier coup de coeur en date!
Sélection très féminine!
Et côté tatouage, je citerai Arang Eleven, Kelly Violence, Kubrick Ho, Piotr Szot, ou encore Marta Lipinski.
Les trésors de Mina.
Aujourd’hui je suis chez toi, est ce que tu peux nous décrire ce qu’il y a aux murs, sur tes étagères, je vois déjà une collection de papillon… ?
Ma mère et ma grand-mère sont antiquaires, je crois que j’ai un peu hérité d’une attention particulière envers certains objets. Ce qu’il y a chez moi, ce sont principalement des choses trouvées dans des brocantes, ou des cadeaux qu’on m’a offert. J’adore les insectes, donc j’ai quelques cadres entomologiques avec des papillons et coléoptères, et quand je trouve des cadavres d’insectes en me baladant, je les encadre aussi – ça fait un peu morbide dit comme ça, mais je trouve que c’est un bel hommage.
J’aime aussi beaucoup les minéraux donc j’ai quelques boites remplies de cailloux, et des objets qui font références au sciences, aussi. Sans compter les bouquins et les reproductions d’art qui n’ont pas encore trouvé leur place au mur depuis notre emménagement!
Avant de clôturer cette interview (et de passer sous tes aiguilles un jour) souhaites-tu nous dire quelques mots sur ton actualité : j’ai vu des projets de flashs mais aussi des réalisations de dessin en 3D?
Oui! J’aime beaucoup le principe des flashs et je me suis enfin décidée à en proposer. Je vais essayer de sortir une série de 10/15 flashs par mois ou tous les deux mois, sur des thèmes un peu différents.
Côté dessin ensuite j’ai des projets en attente à la pelle, mais peu de temps à leur consacrer malheureusement. J’avais créé durant la fac un livre d’artiste composé de dessins superposés et j’ai repris ce concept il y a maintenant – déjà – un an pour créer un dessin 3D dans un cadre entomologique. Ce dernier avance doucement, mais sûrement! Et à côté de celui-ci, je me suis lancée dans une série de petites illustrations entomologiques en volume, un peu moins gourmandes en temps!
Ses créations en dessins superposés #wip …
Et peut-être des conventions ou des guests à venir ?
Pour l’instant, pas vraiment. On fera peut-être une convention avec Gael et Scott pour découvrir un peu l’ambiance, mais ce n’est pas quelque chose qui nous attire particulièrement. Quant aux guests, je pense que je serais bien partante pour en faire quelques-uns, mais plutôt d’ici un an ou deux.
Mina officie en tant que résidente au salon Gaël Ricci Tattoo, à Sainte-Maxime. Vous pouvez retrouver ses oeuvres présentées en exclusivité sur Les Petits Mondes et suivre son univers sur Instagram.
Le Bonus : la mini-playlist « On écoute quoi chez Mina ? »
J’aime à peu près tous les styles de musiques, mais je voue un culte à la techno, donc je vais diviser la playlist en deux :).
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- Windowlicker – Aphex Twin
- Soul Syncable – Sevdaliza
- Smoking with the gods – Azizi Gibson
- Le monstre – Dooz Kawa
- Stoopid Rich- Die Antwoord
- Cortex Subduction – Cyclic Backwash
- Torino – Butwin
- Aenigma – eMel
- Planet Orange – Ekkert
- Lucid Dreams – Hoax 23
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Crédits photos: Les Petits Mondes, hormis les images comportant un * réalisées par Mina Bruchon, et ** par Gaël Ricci.